Guide des manifestant-es Solidaires

Rédigé le 12/07/2024

Qu’il s’agisse d’une manifestation intersyndicale lors d’une journée de grève, ou d’une manifestation pour le droit des femmes, des migrants ou encore contre le fascisme, Solidaires porte souvent une différence par rapport aux autres cortèges. Alors participer à une manifestation c’est bien, mais assurer l’apparition de notre organisation syndicale c’est important aussi. D’autant plus que cela peut être une question de sécurité individuelle et collective.


Quelle apparition pour Solidaires dans la rue ? 


Le cortège de Solidaires doit ĂŞtre Ă  l’image de notre syndicalisme : mixte et combatif. Notre apparition dans la rue et notre capacitĂ© Ă  rassembler les militant-e-s et les sympathisant-e-s de Solidaires en manifestation dĂ©pendent de chacun-e. Le cortège de Solidaires doit ĂŞtre un espace oĂą tou-te-s peuvent dĂ©filer en confiance selon des règles dĂ©finies non pas par les autoritĂ©s mais collectivement dans l’Union syndicale. 

Faisons en sorte que notre cortège reflète les choix syndicaux de Solidaires : 

  • Un cortège interprofessionnel : c’est l’occasion de rencontrer les camarades d’autres secteurs. Participer aux tâches techniques durant la manifestation c’est apprendre Ă  sortir de nos syndicats respectifs et Ă  travailler ensemble Ă  un autre projet de sociĂ©tĂ©. Les victoires de demain seront le fruit des habitudes d’organisation communes prises dans la rue. 

  • Un cortège mixte : contre l’invisibilisation des femmes, le cortège de Solidaires doit montrer que les femmes ont leur place dans notre syndicalisme. Soyons vigilant-e-s aux comportements sexistes dans notre cortège ! Pour cela veillons Ă  garantir la mixitĂ© dans nos cortèges et dans les tâches d’animation, de service d’ordre...

  • Un cortège combatif : nous sommes un syndicat de lutte c’est pourquoi nos slogans, nos affiches, nos banderoles reflètent notre dĂ©termination. Il ne s’agit pas uniquement de marcher mais de porter nos revendications et notre aspiration Ă  transformer la sociĂ©tĂ©. 

Certes, nous connaissons davantage de manifestations paisibles que de vĂ©ritables moments de tensions et on se dit souvent, Ă  raison, que rien de particulier ne va se passer lorsqu’on s’apprĂŞte Ă  descendre dans la rue. Pourtant ces derniers mois on a eu l’occasion de voir que manifester dĂ©rangeait encore les puissants et qu’ils ne comptaient pas toujours nous laisser dĂ©filer tranquillement : interdiction des rassemblements pour Gaza et de ceux pour RĂ©mi Fraisse Ă  Paris, sabotage de la manifestation Ă  Lyon contre le congrès du FN, manifestations interdites pendant la COP21 et violences policières lors des grèves contre la loi Travail. Sans compter que le pourrissement de la situation sociale et politique peut entrainer une montĂ©e de la tension lors des manifestations et des actions collectives.

Voici donc quelques conseils à avoir en tête, avant pendant et après une manif, pour continuer à user de notre droit à occuper l’espace public et à s’y exprimer.


Avant la manifestation


Avant de vous rendre Ă  une action collective, tâchez de vous renseigner sur les modalitĂ©s prĂ©vues de l’action : certaines conduisent presque inĂ©vitablement Ă  une intervention policière, d’autres non. VĂ©rifiez Ă©galement si Solidaires appelle Ă  y participer et quel est le point de rendez-vous du cortège.

Dans tous les cas le cas de manifestations ou actions qui peuvent ĂŞtre tendues, certaines règles de base sont indispensables Ă  suivre :

  • Prendre des papiers d’identitĂ©, de l’argent liquide et un titre de transport valide.

  • Vous habiller de manière appropriĂ©e : des vĂŞtements pas trop amples (car trop faciles Ă  attraper), adaptĂ©s au temps et des chaussures confortables.

  • Éviter de prendre des produits qui modifient le comportement (alcool, drogues…). En cas d’arrestation, dĂ©tenir de la drogue est en soi une infraction pĂ©nale et « ĂŞtre sous l’emprise Â» de substances illicites ou d’alcool est un facteur aggravant qui peut alourdir la peine au tribunal (ex : du sursis au ferme). 

  • VĂ©rifier que l’on n’est pas en possession de couteau ou tout ce qui peut passer pour une « arme par destination Â» (mĂŞme un tire-bouchon peut ĂŞtre considĂ©rĂ© comme tel !) Il s’agit aussi d’une infraction pĂ©nale…

  • PrĂ©fĂ©rer des lunettes Ă  des verres de contacts. Certains produits comme le maquillage et les crèmes grasses peuvent aggraver les effets des gaz lacrymogènes.

Dans certaines actions, des numĂ©ros d’avocats sont distribuĂ©s (« legal team Â») il est conseillĂ© de le garder sur soi, par exemple Ă©crit sur le bras. Mais souvent, connaĂ®tre le nom et le barreau (ex. Paris) suffit car c’est la police qui appelle pour nous en cas de garde-Ă -vue.

Lorsque l’action est susceptible de donner lieu à une intervention policière, ou lorsque l’on sait que la manifestation peut dégénérer, il est toujours utile d’avertir un-e proche ou un-e membre du syndicat, resté-e en dehors, qui peut s’enquérir de votre absence.


Durant la manifestation


Manifestez dans le cortège syndical : participer Ă  une manifestation c’est bien, mais assurer l’apparition de notre organisation syndicale est important aussi. Cela permet aussi d’assurer collectivement la sĂ©curitĂ© des militant-e-s et adhĂ©rent-e-s de notre organisation. N’hĂ©sitez pas Ă  mettre des autocollants de votre syndicat : au-delĂ  de la visibilitĂ©, cela montre Ă  la police que vous ĂŞtes lĂ  dans un cadre collectif. 

Tou-tes les militant-e-s doivent se sentir concernĂ©-e-s par le succès de l’initiative. Il ne s’agit donc pas de dĂ©lĂ©guer Ă  quelques un-e-s l’organisation, et de faire sa vie chacun-e de son cĂ´tĂ©. En manifestation, nous avons une responsabilitĂ© collective, et le succès ou l’échec de l’action (mener une manif jusqu’à son terme, assurer une visibilitĂ© de l’organisation et un espace sĂ»r aux sympathisant-e-s…) dĂ©pendent de toutes et tous. ĂŠtre solidaires des autres, attentifs/ves Ă  ce qui se passe et ce qu’on fait. Cela paraĂ®t banal Ă  dire, mais très souvent, nous nous contentons de venir passivement aux manifestations, et de suivre le mouvement. 

Quand on ne sait pas quoi faire, il ne faut pas hĂ©siter Ă  proposer son aide aux militant-e-s que l’on voie faire des choses, distribuer les drapeaux, aider au montage et dĂ©montage de la sono, mais aussi relayer les camarades Ă  la banderole de tĂŞte, prendre un drapeau et mĂŞme (soyons fous et folles !) reprendre les slogans !

Être attentif à la sécurité de ses voisin-e-s, vis-à-vis de la circulation notamment. Une voiture qui décide de traverser un cortège, cela peut arriver très vite. Si tout le monde ne se sent pas concerné, il n’y aura pas toujours un membre du SO pour arriver à temps. C’est pour cela qu’il est important qu’il n’y ait pas de trou dans notre cortège. Quand on voit quelque chose, il est important de réagir, au moins en le mentionnant à ses voisin-e-s.


Si cela dégénère


Dans cette situation, comme dans la vie quotidienne, n’oubliez pas qu’on s’en sort mieux collectivement que tout-e seul-e. Rejoignez le cortège Solidaires si vous n’y Ă©tiez pas. Ne cĂ©dez pas Ă  la panique, ne courez pas, mettez-vous en chaĂ®ne quand c’est possible, rendez compact le cortège et soyez solidaires entre manifestant-e-s.

Le cortège de Solidaires aura sĂ»rement un service d’ordre identifiĂ© : Ă©coutez leurs consignes.

Aidez Ă  la transmission des informations dans le cortège, tout en Ă©vitant de diffuser des rumeurs. PrivilĂ©giez les informations simples Ă  diffuser (par exemple « accĂ©lĂ©rer la vitesse du cortège Â»), et venant des personnes les plus au fait de ce qui se passe (souvent le SO constituĂ© s’il y en a un).

S’il y a un SO constitué, ne pas hésiter à le seconder, par exemple si une chaîne semble tenir difficilement sous la pression d’un autre cortège.


En cas d’exposition aux gaz


  • Restez calmes, ne paniquez pas. Les effets du gaz lacrymogène peuvent durer de quelques minutes Ă  une heure environ. Les gaz peuvent causer des troubles respiratoires qui cessent assez rapidement. 

  • Ne touchez pas votre visage et ne vous frottez pas les yeux. Dirigez vous vers un endroit oĂą il y a de l’air pur, ouvrez les yeux, allongez les bras, respirez lentement et profondĂ©ment. Mouchez-vous et crachez les produits chimiques. 

  • Rincez les yeux et la gorge avec de l’eau en quantitĂ© importante (sinon cela ne fait que ravivez la douleur) ou du sĂ©rum physiologique. Ceci fera passer la douleur. Pour un rinçage des yeux efficace, il faut rincer abondamment, du coin interne au coin externe de l’œil en maintenant les paupières ouvertes et en penchant votre tĂŞte ou celle de la personne atteinte vers l’arrière et lĂ©gèrement du cĂ´tĂ© de l’œil que vous rincez : le but est d’enlever les agents contaminants, non pas de les diluer. En cas d’exposition très importante alertez un membre du SO : il ou elle pourra vous fournir du sĂ©rum voire du dĂ©contaminant en spray.


En cas d’interpellation


Criez votre nom et celui de votre syndicat au moment de l’interpellation. Ne rĂ©sistez pas individuellement. Restez toujours calme et distant : pas de tutoiement, pas d’énervements, ne parlez que sur l’essentiel, ne rĂ©pondez qu’aux questions qu’on vous pose.

Il existe plusieurs rĂ©gimes lĂ©gaux, suite Ă  une « arrestation Â» :


La vĂ©rification d’identitĂ© 


Elle a pour objet de vĂ©rifier ou dĂ©terminer votre identitĂ©, si vous ne pouvez pas immĂ©diatement en justifier. Elle ne peut pas excĂ©der 4 heures. Dès que votre identitĂ© est certaine, il doit en thĂ©orie y ĂŞtre mis fin. Elle peut se faire sur le lieu d’interpellation ou au commissariat. Vous pouvez faire prĂ©venir une personne de votre choix. 

Une « palpation de sĂ©curitĂ© » peut ĂŞtre pratiquĂ©e, par un-e policier-e du mĂŞme sexe que vous, mais pas de fouille. 

Si l’on n’est pas mis en garde-à-vue, demander une copie du procès verbal (PV) de vérification d’identité. Il ne faut signer que si l’on est d’accord avec ce qui figure dans le PV. Sinon, rajouter ou modifier, et mettre un trait à la fin s’il reste du blanc sur la page. Si on est maltraité pendant le contrôle, il faut absolument le faire figurer sur le PV.


La garde Ă  vue


Pour plus de dĂ©tails, reportez-vous Ă  la fiche de Solidaires ou au « Guide du manifestant arrĂŞtĂ© Â» (Ă©dition 2013) du Syndicat de la Magistrature. Mais quelques Ă©lĂ©ments essentiels :

  • La durĂ©e de la garde Ă  vue est de 24 heures. Elle ne peut ĂŞtre prolongĂ©e jusqu’à 48 heures que si la peine encourue est d’au moins 1 an d’emprisonnement.
    Toute personne placĂ©e en garde Ă  vue peut, Ă  sa demande, faire prĂ©venir, par tĂ©lĂ©phone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et sĹ“urs… Elle peut en outre faire prĂ©venir son employeur. Il n’y a pas d’entretien direct entre la personne gardĂ©e Ă  vue et son destinataire, c’est le policier qui passe l’appel. 

  • On a le droit, lors des auditions, après avoir dĂ©clinĂ© son identitĂ©, de se taire. Ce droit doit ĂŞtre notifiĂ© Ă  la personne en GAV. Il n’empĂŞche cependant pas l’Officier de police judiciaire de poser les questions qu’il juge nĂ©cessaires, mĂŞme si on refuse d’y rĂ©pondre. On a tout intĂ©rĂŞt Ă  ne pas rĂ©pondre aux questions afin de ne pas communiquer d’élĂ©ments qui pourraient ĂŞtre ensuite rĂ©utilisĂ©s Ă  son encontre ou contre d’autres manifestant-es. 

  • On a le droit Ă  un-e avocat-e : c’est Ă  l’OPJ d’informer la personne de cette possibilitĂ©. Elle peut y renoncer. Elle peut Ă©galement revenir sur ce refus Ă  tout moment. Soit le/la gardĂ©-e Ă  vue dĂ©signe un avocat, et alors le policier doit tout faire pour le joindre, soit il demande la dĂ©signation d’un avocat d’office. Dans ce cas, le policier doit accomplir les dĂ©marches nĂ©cessaires, mais il n’est pas responsable du rĂ©sultat : c’est au Barreau de prĂ©voir une permanence. En attendant, la GAV se poursuit normalement.
    L’avocat intervient dès le dĂ©but de la GAV, puis dès le dĂ©but de la prolongation. Si la personne a renoncĂ© Ă  ce droit au dĂ©but de la GAV, en clair s’il a ratĂ© le coche, il ne pourra rĂ©clamer un entretien immĂ©diat. Et ne pourra user de ce droit jusqu’à la prochaine prolongation Ă©ventuelle. 
    La rencontre avec l’avocat est limitĂ©e Ă  30 minutes. Elle doit s’effectuer en tĂŞte-Ă -tĂŞte, en principe dans un local rĂ©servĂ© Ă  cet usage. 
    La personne gardée à vue bénéficie désormais du droit d’être assistée d’un avocat lors de tous les interrogatoires et confrontations.

  • A tout moment au cours des premières 24h, on peut demander un examen mĂ©dical. 


Et après la garde à vue ?


Plusieurs solutions : 

1/ Vous sortez libre du commissariat,

2/ Vous sortez libre du commissariat avec une convocation devant le Tribunal,

3/ Vous ĂŞtes « dĂ©fĂ©rĂ© au Parquet » : après avoir Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© au Palais de justice, vous rencontrerez le procureur de la RĂ©publique : 

  • Celui-ci pourra vous convoquer Ă  une audience quelques jours plus tard devant le Tribunal et vous sortirez libre du Tribunal.

  • Si vous avez reconnu les faits, le procureur pourra vous proposer de « plaider coupable » (CRPC). Il vous proposera une peine que vous pourrez accepter ou refuser avec votre avocat.

  • Le procureur pourra Ă©galement dĂ©signer un juge d’instruction. Après un entretien avec un avocat, vous serez alors prĂ©sentĂ© Ă  ce juge d’instruction qui pourra envisager avec le Juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention (JLD), votre placement sous contrĂ´le judiciaire ou votre placement en dĂ©tention provisoire. 

  • Le procureur pourra dĂ©cider de vous faire passer en « comparution immĂ©diate » : vous serez alors jugĂ© dans quelques heures par le Tribunal après vous ĂŞtre entretenu pendant quelques minutes avec un avocat…

  • Vous pourrez accepter d’être jugĂ© immĂ©diatement ou vous pourrez demander un dĂ©lai pour prĂ©parer votre dĂ©fense avant d’être jugĂ©. Dans les deux cas, vous pouvez ressortir libre ou bien ĂŞtre placĂ© en dĂ©tention… La comparution immĂ©diate est rarement un bon calcul.