Inaptitude et reprise de paiement du salaire

Rédigé le 05/01/2020

 

La procédure de contestation a été intégralement modifiée par la loi du 8 août 2016, dite « loi Travail ». En effet, depuis le 1er janvier 2017, si le salarié veut contester l’avis rendu par le médecin du travail, il est désormais nécessaire de saisir le Conseil de prud’hommes. Il pourra demander la désignation d’un médecin expert (Ce ne sera pas un médecin du travail).

 

  1. Aménagement de poste proposé par le médecin du travail (L. 4624-3)

Le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mentale du travailleur.

  1. Constat de l’inaptitude par le médecin du travail (l. 4624-4, R. 4624-42, R. 4624-44)

Seul le médecin du travail peut déclarer un salarié inapte. Si un autre professionnel de santé constate un risque d’inaptitude lors de la visite, il est tenu d’orienter le salarié concerné vers le médecin du travail.

Le médecin du travail déclare le salarié inapte (L. 4624-4) quand : 

  • son état de santé justifie un changement de poste ;

  • aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste occupé n’est possible. 

Procédure (L. 4624-4 et R. 4624-42)

Le médecin du travail ne peut déclarer le salarié inapte que : 

  • S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange avec le salarié concerné sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;

  • S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste. Avant la loi Travail, le médecin devait lui-même réaliser cette étude de poste ; 

  • S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée

  • S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur

 

Le texte précise que ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser. S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date. 

 

Au cours d’une visite médicale, le médecin du travail peut ainsi rendre un avis d’aptitude, un avis d'aptitude accompagnée de mesures d'accompagnement (anciennement « avis avec réserve ») ou bien un avis d’inaptitude. En présence de cet avis, le salarié ou l’employeur peuvent respectivement décider de le contester.


Mentions sur l’avis d’inaptitude

L’avis d’inaptitude est écrit (L. 4624-4). Le médecin du travail doit assortir ses conclusions écrites d’indications relatives au reclassement du salarié (L. 4624-4). Ce sont ces indications dont l’employeur devra tenir compte pour proposer un poste de reclassement au salarié.

Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (R. 4624-42, L. 1226-2-1 et L. 1226-12).

En outre, les indications du médecin du travail doivent prévoir, quelle que soit l’origine de l’inaptitude ou l’effectif de l’entreprise, des éléments concernant la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté (L. 1226-2 et L. 1226-10).

 

  1. Obligation de reclassement

 

La mention « à l’issue des périodes de suspension » est supprimée des articles L. 1226-2 et L. 1226-10. Ceux-ci prévoient l’obligation, pour l’employeur, de rechercher un reclassement au salarié déclaré inapte et les conditions dans lesquelles ces propositions sont faites. Ceci s’appliquera donc à l’ensemble des visites médicales au cours desquelles l’inaptitude pourra être constatée et ne sera plus strictement limitée, par le code du travail, à la visite de reprise. 

 

L’employeur doit solliciter l’avis du CSE avant de proposer un reclassement, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle (L. 1226-10) ou non (L. 1226-2). 

 

Lorsqu’il est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi, l’employeur doit faire connaitre par écrit au salarié les motifs qui s’opposent à son reclassement y compris quand l’inaptitude est d’origine non professionnelle (L. 1226-2-1). 

 

Par ailleurs, la loi (L1226-2-1) précise désormais que l’obligation de reclassement de l’employeur est réputée satisfaite dès lors qu’il a proposé un emploi répondant aux conditions légales de l’article L. 1266-2 ou L. 1226-10 (AT/MP) : poste proposé adapté aux capacités du salarié, respect des indications du médecin du travail (L. 1226-2-1 et L. 1226-12), consultation des délégués du personnel. 

 

L’employeur est cependant dispensé de son obligation de recherche de reclassement du salarié inapte lorsque le médecin du travail porte l’une de ces mentions sur l’avis d’inaptitude : 

  • « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé »

  • « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »

 

  1. Motifs de licenciement (L. 1226-2-1 et L. 1226-12)

Les motifs de licenciement suite à une inaptitude sont les suivants, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non :

  • L’impossibilité de proposer un emploi approprié aux capacités du salarié

  • Le refus des postes de reclassement par le salarié 

  • Si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé »

  • Si l’avis du médecin du travail mention expressément que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». 

C'est également le cas pour les salariés en CDD suite à une inaptitude d'origine professionnelle (L. 1226-20).

  1. Procédure de contestation des avis médicaux (L. 4624-7)

La formation de référé est saisie dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’avis contesté (R. 4624-45). Les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail (R. 4624-45).La contestation porte sur l'ensemble des éléments des avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, que ces éléments soient de nature médicale ou non (C. trav., art. L. 4624-7).

Le conseil de prud'hommes peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence (C. trav., art. L. 4624-7). La désignation du médecin inspecteur du travail n'est qu'une faculté. Si le médecin inspecteur du travail territorialement compétent n'est pas disponible ou est récusé, un autre médecin inspecteur du travail peut être désigné (art. R. 4624-45-2).

 

Il est conseiller de prendre un avocat spécialisé en droit du travail afin de constituer un dossier chronologique des détériorations successives de l’état de santé en étayant avec les points de vue médicaux et les prescriptions du médecin traitant, du chirurgien de l’allergologue, du psy, du kinésithérapeute, avec radio scanner IRM…

Compléter avec :

  • La fiche d’entreprise (R4624.37)

  • La fiche de données sécurité concernant le ou les produits utilisés(R4624.4)

  • Le rapport du médecin du travail concernant son poste de travail (R4624.42) faire remarquer ce qu’il manque dans le rapport, son poste de travail ou les risques qu’il encoure

  • Le document unique d’évaluation pour les points qui le concernent (L4121.3 et R4121.1). Tous ces documents font partie intégrante des formations obligatoires à la sécurité (L4141.1 à 3 et R4141.1 à 6)

  • Son dossier médical (D4624.46), 

  • Sa fiche d’aptitude (R4624.47)

  • Les enquêtes éventuelles, les alertes du CSE sur le poste de travail 

 

L’employeur informe le médecin du travail qui ne peut pas être partie du litige.

 

La compétence territoriale du conseil de prud’hommes est la compétence de droit commun fixée par les articles R. 1412-1 et suivants du code du travail : 

  • Soit le CPH dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ;

  • Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.

  • Le salarié peut également saisir les conseils de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi.

 

Pour les travailleurs éloignés, le recours est adressé au conseil de prud'hommes dans le ressort duquel se trouve l'établissement qui emploie le salarié. Le médecin inspecteur du travail saisi par le conseil de prud'hommes d'une consultation relative à la contestation est celui dont la compétence géographique couvre le service de santé au travail de proximité (D. 4625-34).

 

Qu’en est-il du coût d’une telle procédure ?

Outre les frais de justice liés à une telle procédure judiciaire, la procédure de contestation nécessite aujourd’hui de rémunérer l’expert désigné par le Conseil de prud’hommes. Les honoraires et frais d'expertise sont réglés d'après le tarif fixé par arrêté (C. trav., art. L. 4624-7), soit 8 fois le coût de la consultation au cabinet majorée de la majoration pour le médecin généraliste (acte C de la nomenclature générale des actes professionnels + MMG) (Arr. 27 mars 2018, NOR : MTRT1806841A : JO, 30 mars). 

Si on se réfère au site AMELI, les honoraires perçus par le médecin-inspecteur du travail sont, à compter du 1er avril 2018, de 25 € × 8 = 200 €.

Le président de la formation de référé fixe la rémunération du médecin inspecteur du travail (C. trav., art. R. 4624-45-1).La provision des sommes dues au médecin inspecteur du travail est consignée à la Caisse des dépôts et consignations (C. trav., art. R. 4624-45-2).

 

Qui va devoir prendre en charge les frais d’expertise ?

 

Depuis le 1er janvier 2018, la décision de ne pas mettre les dépens à la charge de la partie perdante concerne non seulement, comme auparavant les frais d'expertise, mais également tous les frais d'honoraire liés à la mesure d'instruction. 

La loi de ratification du 29 mars 2018 a modifié le texte initial issu des ordonnances du 22 septembre 2017 qui prévoyait qu'en principe « les honoraires et frais liés à la mesure d'instruction sont mis à la charge de la partie perdante, à moins que le conseil de prud'hommes, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie ». Désormais, il n'est plus nécessaire que les juges motivent leur décision. 

En tout état de cause, le caractère payant de la procédure et le risque que les frais restent à la charge du demandeur resteront un frein, à notre avis, à l'utilisation de ce recours.

 

Quelle est la situation du salarié dans l’attente de la décision du Conseil de prud’hommes ?

 

Le Code du travail ne se prononce pas sur cette question. Toutefois, on peut considérer qu’en présence d’un avis d’inaptitude, le recours devant le Conseil de prud’hommes ne suspend pas le délai d’un mois dont dispose l’employeur pour reclasser le salarié ou reprendre le paiement du salaire. Si le salarié est licencié avant que n’intervienne la décision du Conseil de prud’hommes et si l’expert infirme l’avis d’inaptitude, le licenciement sera en principe considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse, en cas de contestation du salarié.

 

Pour éviter une condamnation future, l’employeur a donc tout intérêt à attendre l’issue de la procédure prud’homale pour appliquer la décision du médecin du travail. Mais dans l’attente, une fois écoulé le délai d’un mois à l’issue de la décision d’inaptitude, il doit reprendre le paiement du salaire, et rémunérer le salarié pendant toute la procédure prud’homale.

 

Compte tenu des délais actuels devant certains Conseil de prud’hommes, y compris en référé, cette procédure de contestation risque toutefois de durer plusieurs mois.

 

Ce que l'on sait cependant, c'est qu’auparavant le recours en contestation devant l'inspecteur du travail (après avis du médecin du travail inspecteur régional) était gratuite et la décision de celui ci était prise dans les deux mois. Désormais le salarié a intérêt à prendre un avocat et la décision du CPH peut tarder. Le médecin expert ne sera pas un médecin du travail, ce qui fait que la situation de travail dans l'entreprise sera moins efficacement prise en compte.