Le travail de nuit

Rédigé le 13/07/2024

Le recours au travail de nuit est en principe exceptionnel… et c’est tant mieux ! Il doit prendre en compte les impĂ©ratifs de protection de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© des travailleur·euse·s et ĂŞtre justifiĂ© par la nĂ©cessitĂ© d’assurer la continuitĂ© de l’activitĂ© Ă©conomique ou des services d’utilitĂ© sociale. Il doit donc ĂŞtre mis en place dans des cas prĂ©cis et sous certaines conditions. Le travail de nuit se situe entre 21 h et 6 h (ou dans la tranche horaire dĂ©finie par un accord collectif applicable Ă  l’entreprise). Pour ĂŞtre considĂ©ré·e comme travailleur·euse de nuit et bĂ©nĂ©ficier de diffĂ©rents droits et garanties, le/la salarié·e doit travailler avec une certaine rĂ©gularitĂ© pendant ces pĂ©riodes.


Qui est concerné·e ?


Tout·e salarié·e peut travailler la nuit. Seule exception : les jeunes de moins de 18 ans pour lesquels le travail de nuit est, en principe, interdit. Des mesures particulières de protection s’appliquent Ă  la femme enceinte travaillant de nuit.


Quelle définition du travail de nuit ?


Est considĂ©ré·e comme travailleur·euse de nuit le/la salarié·e, qui accomplit pendant la pĂ©riode de nuit (21 h-06 h ou pĂ©riode fixĂ©e par accord) :

  • soit, selon son horaire de travail habituel, au minimum 3 heures de travail, Ă  raison de deux fois par semaine au moins ;
  • soit un nombre minimal d’heures de travail pendant une pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence, fixĂ©s par accord collectif Ă©tendu.

Ă€ dĂ©faut d’accord, le nombre minimal est de 270 heures accomplies pendant une pĂ©riode de 12 mois consĂ©cutifs. Une autre pĂ©riode de 9 heures consĂ©cutives, comprise entre 21 h et 7 h mais comprenant, en tout Ă©tat de cause, l’intervalle compris entre 24 h et 5 h, peut ĂŞtre substituĂ©e Ă  la pĂ©riode 21 h-06 h, par une convention ou un accord collectif Ă©tendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement.

A défaut d’accord et lorsque les caractéristiques particulières de l’activité de l’entreprise le justifient, cette substitution peut être autorisée par l’inspection du travail après consultation de la représentation du personnel, si elle existe.

Par décret, dans certains secteurs d’activité, des dérogations peuvent être accordées pour des horaires spécifiques.

Le travail de nuit présente un certain nombre de spécificités, notamment en termes de conditions d’organisation et de garanties pour le/la travailleur·euse de nuit.


Quelle durée maximale du travail de nuit ?


La durĂ©e quotidienne de travail de nuit ne peut excĂ©der 8 heures consĂ©cutives.

NĂ©anmoins, il peut ĂŞtre dĂ©rogĂ© Ă  cette durĂ©e maximale, dans la limite de 12 heures :

  • par convention ou accord collectif de branche Ă©tendu ou d’entreprise ou d’établissement, qui peut prĂ©voir une dĂ©rogation Ă  la durĂ©e maximale de 8 heures pour les salarié·e·s exerçant les activitĂ©s Ă©numĂ©rĂ©es Ă  l’article R.3122-9 du code du travail ;
  • lorsqu’il est fait application des dispositions des articles L.3132-16 au L.3132-19 du code du travail relatifs aux Ă©quipes de supplĂ©ance ;
  • en cas de circonstances exceptionnelles, sous rĂ©serve d’une autorisation de l’inspection du travail donnĂ©e après consultation des Ă©lu·e·s du personnel. Les salarié·e·s doivent bĂ©nĂ©ficier, dans les plus brefs dĂ©lais, d’un repos d’une durĂ©e au moins Ă©quivalente au nombre d’heures effectuĂ©es en application de la dĂ©rogation. Ces circonstances sont dĂ©finies comme Ă©tant Ă©trangères Ă  l’employeur, anormales ou imprĂ©visibles, ou dues Ă  des Ă©vĂ©nements exceptionnels dont les consĂ©quences ne pouvaient ĂŞtre Ă©vitĂ©es (intempĂ©ries, etc.).

La durĂ©e hebdomadaire de travail de nuit, calculĂ©e sur une pĂ©riode de 12 semaines consĂ©cutives, ne peut dĂ©passer 40 heures.

Une convention ou un accord de branche Ă©tendu ou d’entreprise ou d’établissement peut porter cette limite Ă  44 heures, lorsque les caractĂ©ristiques propres Ă  l’activitĂ© du secteur le justifient. Ă€ dĂ©faut de convention ou d’accord de branche Ă©tendu, un dĂ©cret peut fixer la liste des secteurs pour lesquels cette durĂ©e est fixĂ©e entre 40 heures et 44 heures.


Dans quelles conditions s’exerce-t-il ?


Le recours au travail de nuit doit :

  • ĂŞtre exceptionnel ;
  • prendre en compte les impĂ©ratifs de protection de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© des salarié·e·s ;
  • ĂŞtre justifiĂ© par la nĂ©cessitĂ© d’assurer la continuitĂ© de l’activitĂ© Ă©conomique ou des services d’utilitĂ© sociale.

La mise en place du travail de nuit ou son extension à de nouvelles catégories de salarié·e·s doit être prévue par convention ou accord collectif de branche étendu ou par accord d’entreprise ou d’établissement.

Cet accord doit contenir :

  • les justifications du recours au travail de nuit ;
  • les contreparties sous forme de repos compensateur et, le cas Ă©chĂ©ant, de compensation salariale ;
  • les mesures destinĂ©es Ă  amĂ©liorer les conditions de travail des salarié·e·s et Ă  favoriser l’articulation entre activitĂ© nocturne et exercice de responsabilitĂ©s familiales et sociales (moyens de transport…) ;
  • des dispositions propres Ă  assurer l’égalitĂ© professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment par l’accès Ă  la formation ;
  • l’organisation des temps de pause.

A défaut d’accord, l’employeur peut demander l’autorisation à l’inspection du travail, à titre exceptionnel et sous certaines conditions, d’affecter des salarié·e·s sur des postes de nuit.

Tout travail entre 20 h et 6 h est interdit pour les enfants de moins de 16 ans, et entre 22 h et 6 h pour les jeunes de moins de 18 ans, qu’ils/elles soient salarié·e·s ou stagiaires. Des dĂ©rogations peuvent nĂ©anmoins ĂŞtre accordĂ©es pour certains secteurs.


Quels effets du travail de nuit sur la santé ?


Le ministère du Travail a identifiĂ© plusieurs consĂ©quences, parfois très graves, sur la santĂ© des salarié·e·s :

  • troubles du sommeil, fatigue, troubles de l’humeur, irritabilité ;
  • consommation plus Ă©levĂ©e de mĂ©dicaments pour faciliter le sommeil ou rester Ă©veillé·e ;
  • troubles digestifs, dĂ©sĂ©quilibres nutritionnels ;
  • dĂ©sadaptation et isolement social, professionnel, familial ;
  • risques cardiovasculaires accrus (surpoids, hypertension artĂ©rielle) ;
  • probabilitĂ© plus Ă©levĂ©e de cancers ;
  • risque accru de prĂ©maturitĂ© et de fausses couches pour les femmes enceintes.

Quelles contreparties et garanties ?


Les contreparties doivent ĂŞtre donnĂ©es sous forme de repos compensateur et, le cas Ă©chĂ©ant, de compensation salariale. La convention ou l’accord collectif applicable Ă  l’entreprise, oĂą le travail de nuit est organisĂ©, prĂ©voient les mesures, destinĂ©es Ă  compenser les contraintes du travail de nuit.

Par ailleurs, le/la travailleur·euse de nuit bĂ©nĂ©ficie de certaines garanties :

  • protection mĂ©dicale particulière, sous forme d’une visite d’information et de prĂ©vention prĂ©alable Ă  l’affectation Ă  un poste de nuit et d’un suivi rĂ©gulier librement fixĂ© par le mĂ©decin du travail ;
  • possibilitĂ© d’être affecté·e temporairement ou dĂ©finitivement sur un poste de jour, si son Ă©tat de santĂ© constatĂ© par le mĂ©decin du travail l’exige. Ce nouveau poste doit correspondre Ă  sa qualification et ĂŞtre aussi comparable que possible Ă  l’emploi prĂ©cĂ©demment occupé ;
  • protection contre le licenciement. L’employeur ne peut prononcer la rupture du contrat de travail du seul fait de l’inaptitude du/de la salarié·e Ă  un poste de nuit, sauf s’il justifie par Ă©crit de l’impossibilitĂ© de proposer un poste de jour en reclassement, ou du refus du/de la salarié·e d’accepter ce changement de poste.

La salariĂ©e enceinte travaillant de nuit doit ĂŞtre affectĂ©e (si elle le souhaite ou sur avis mĂ©dical) Ă  un poste de jour pendant la durĂ©e de sa grossesse. Le changement d’affectation n’entraĂ®ne aucune diminution de la rĂ©munĂ©ration.


Peut-on refuser le travail de nuit ?


En l’absence de dispositions contractuelles, le travail de nuit ne peut ĂŞtre imposĂ© s’il est incompatible avec des obligations familiales impĂ©rieuses, notamment avec la garde d’un enfant ou la prise en charge d’une personne dĂ©pendante. Le/la salarié·e peut refuser d’accepter ce changement, lequel ne peut ĂŞtre considĂ©rĂ© comme une faute ou un motif de licenciement.

En dehors de toute contrainte familiale, la jurisprudence considère le passage d’un horaire de jour Ă  un horaire de nuit comme une modification substantielle du contrat de travail. De ce fait, il ne peut ĂŞtre imposĂ© au/Ă  la salarié·e. Il en est ainsi mĂŞme si le passage Ă  un horaire de nuit est partiel.

De même, le passage d’un poste de nuit à un poste de jour constitue une modification essentielle du contrat soumis à l’accord du/de la salarié·e et ce, même si la modification n’est que partielle.